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imprimer cette pageLa géobalade en 13 étapes :
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2.La dépression d'Uriage: la source thermale

A Gières, on quitte la cuvette grenobloise et la plaine du Grésivaudan. La route s'engage dans la dépression d'Uriage - Vaulnaveys, qui se poursuit jusqu'à Vizille, où elle rejoint la vallée de la Romanche. Par une combe, le long d'un petit ruisseau, le Sonnant, on pénétre dans une zone de collines, les collines bordières de Belledonne. Ce sont des formations calcaréo-marneuses de l'ère secondaire, plus précisément du Jurassique inférieur et moyen (190 à 165 millions d'années) : les férus de géologie auront reconnu là le Lias (dont le dernier étage, le Toarcien, est présent) et le Dogger (dont seuls les premiers étages, Aalénien et Bajocien, sont représentés). On traverse également des schistes argileux très sombres, bruns à noirs, relativement durs, qui ont donné naissance aux collines voisines, comme la montagne des Quatre Seigneurs ou le Pinet d'Uriage (se reporter à la carte géologique simplifiée et à la carte des formations quaternaires de la vallée d'Uriage)

Petite curiosité rétrospective, au maximum de la dernière grande  glaciation, le Würm, il y a seulement 20.000 ans, tout le fond de vallée était recouvert typiquement par plus de 1.000 mètres de glace. Tout comme le glacier de l'Isère, son homologue de l'Oisans, le glacier de la Romanche-Vénéon, issu du cœur du Pelvoux, était alors très développé. Précision incidente : le cours de la Romanche a été pendant longtemps différent de son cours actuel à l'aval de Vizille, lequel est caractérisé par sa confluence avec le Drac, puisque la Romanche rejoignait directement la vallée de l'Isère par Vaulnaveys, Uriage et Gières, le trajet que vous venez en partie d'effectuer, en sens inverse. Lors de leur retrait par étapes, les glaciers ont laissé de nombreux indices dans la vallée d'Uriage, vers Vaulnaveys, où a alors stationné une langue diffluente, autrement dit une ramification du glacier de la Romanche vers l'Isère. Dans ce secteur, on trouve quelques traces des épisodes glaciaires successifs, imprimées dans la morphologie de la vallée sous forme de moraines et de vestiges de lacs de retrait (gravière et terrasses d'alluvions deltaïques).


La source d'Uriage

En arrivant à Uriage-les-Bains, immédiatement à l'entrée de la station thermale, à gauche, on voit l'entrée de l'Etablissement thermal. Les sources thermales d'Uriage se situent sur une zone de fracturation tectonique. Les eaux qui jaillissent ici à 400 mètres d'altitude (avec un débit régulier de 5 l/sec, soit près de 500.000 litres par jour) sont chaudes (27 °C) et très sulfureuses (80 mg de soufre colloïdal et 6 mg de dihydrogène de soufre, H2S, par litre). Pour s'en convaincre, il suffit d'effectuer un tout petit détour à pied jusqu'à proximité de l'établissement (à côté du casino de jeux) : en période de cure, on y perçoit une odeur bien caractéristique, qui se dégage des bains.

Les vertus thérapeutiques de l'eau d'Uriage sont reconnues depuis les Romains. Il s'agit d'une eau sulfurée, chlorurée, calcique et sodique. Elle est “isotonique”, ce qui signifie qu'elle a sensiblement la concentration moléculaire du sérum sanguin humain, une caractéristique rare, qui la rend directement injectable et permet une meilleure tolérance.


Zoom sur l'hydrogéologie de la source d'Uriage-les-Bains

On peut s'interroger en termes d'hydrogéologie sur l'origine de la composition remarquable des eaux thermales d'Uriage-les-Bains. En schématisant à l'extrême, on pourrait dire simplement que leur minéralisation est produite par un lessivage en profondeur de terrains lagunaires qui datent du Trias, une période géologique au cours de laquelle une mer peu profonde et un climat chaud et sec s'étaient installés sur notre région. Mais, si l'on veut être plus explicite, il convient de prendre en compte les étapes successives du cheminement présumé de ces eaux (schéma ci-dessous). On peut esquisser ainsi la colonne stratigraphique du milieu rocheux environnant. A la base figurent les terrains "cristallins" de l'ère primaire. Ils sont surmontés par des formations sédimentaires de plus en plus récentes, Trias, puis Jurassique (Lias et Dogger). A la base de cette série se trouvent des calcaires dolomitiques et des évaporites du Trias. Ils sont recouverts par des schistes noirs du Lias et par des calcaires plus ou moins marneux du Dogger, eux-mêmes recouverts d'un manteau morainique (sables et graviers, argiles) parfois épais de plusieurs dizaines de mètres.

D'un point de vue hydrologique, il est clair que le socle cristallin est à peu près imperméable. Les terrains du Trias et du Lias/Dogger, argileux ou calcaréo-marneux, ont sans doute acquis, quant à eux, un certain degré de perméabilité à cause de multiples fissurations consécutives à des déformations tectoniques. On suppose en effet que ces terrains ont été plissés intensément lors du soulèvement de Belledonne. C'est pourquoi les eaux souterraines peuvent y circuler à grande profondeur, à des profondeurs de plusieurs centaines de mètres.

coupe hydrogeologique bassin d'Uriage

Sources(!) : Document R.Michel, 1965, et rapport Sogreah, 1998,
aimablement communiqué par la Direction de l'Etablissement thermal d'Uriage.

A partir de ces éléments, on peut imaginer le scénario suivant (voir le patchwork géologique de la région d’Uriage et le schéma). Lors de la traversée des couches triasiques sous-jacentes, les eaux acquièrent une minéralisation importante, car elles lessivent alors des formations de type évaporitique, qui renferment des dépôts de sel (NaCl), de gypse (CaSO4) et de dolomies CaMg(CO3)2. A ce stade, elles sont donc chargées en sels et en sulfates. Cela explique leur teneur élevée en ions Cl-, Na+ et SO42-. Il reste à expliquer leur richesse en sulfures. Compte tenu de la topographie, ces eaux profondes vont rencontrer à nouveau des milieux liasiques, avant de remonter en surface, sans doute par de grandes fractures tectoniques NNE-SSW (probablement d’une profondeur de 500 m ?). Bref, après ce rapprochement vers la surface, les eaux profondes qui circulent dans le Trias et dans le Lias émergent au niveau des sources d’Uriage à la faveur d’une structure géologique de type synclinal. Au cours de leur passage en profondeur, elles se sont réchauffées (leur température de sortie est de 27 °C). C’est là, dans les schistes noirâtres riches en matières organiques du Lias et du Dogger schisteux, qui constituent un milieu chimiquement réducteur, qu’elles acquièrent leur caractère sulfuré et calcique.


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