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Que désigne-t-on sous ce vocable ?

Les constats

Les roches de la série verte de Chamrousse sont très anciennes. Plus précisément, les datations par la méthode uranium/plomb indiquent qu'elles affichent l'âge respectable de 496 ± 6 millions d'années (période cambro-ordovicienne, à l'ère primaire). Leur analyse chimique révèle qu'il s'agit, pour l'essentiel, de basaltes tholéitiques. En scrutant la carte géologique du voisinage, on voit apparaître l'évidence d'une trilogie péridotites serpentinisées/(méta)gabbros/amphibolites (ex-basaltes). En d'autres termes, on s'aperçoit que les roches ici présentes forment ce que l'on appelle un complexe ophiolitique. Ce type de complexe est classiquement attribué à la présence d'une paléocroûte océanique.
En règle générale, ce sont les péridotites qui en constituent le soubassement. La transition péridotites/gabbros représente le passage du manteau supérieur à la croûte océanique sus-jacente, ces deux entités constituant la lithosphère. Les gabbros de cette croûte sont composés de pyroxènes, de feldspaths plagioclases et d'olivine. Ils sont grenus. Les basaltes, qui s'épanchent sur la croûte gabbroïque, ont une composition chimique similaire, mais les grains n'ont pas le temps de s'y développer à cause du refroidissement trop rapide.
Donc, normalement, les basaltes (aujourd'hui transformés en amphibolites) surmontent les gabbros, alors que ces derniers recouvrent les péridotites (les serpentinites). Eh bien, à Chamrousse, l'empilement observé surprend, parce qu'il ne correspond pas à la polarité attendue : en effet, lors de l'excursion proposée, en descendant du col des Trois Fontaines vers le col de la Botte, on s'étonne de découvrir que cet ordre est inversé, les péridotites occupant la partie supérieure de l'empilement. Autre élément remarquable, on l'a vu dans la page dédiée aux serpentinites, de manière non moins surprenante, les composantes de cette trilogie présentent sur le terrain chamroussien une disposition en sandwich (voirla coupe géologique de Chamrousse).

Réponse
Le scénario tectonique
A partir de ces éléments, on peut imaginer ainsi le scénario de l'histoire tectonique et métamorphique de Chamrousse et de la partie avoisinante de la chaîne de Belledonne (pour plus de précisions, on pourra se reporter au tableau volcanisme et métamorphisme de Belledonne, à l'ère primaire):
- un océan a précédé la chaîne hercynienne
- un phénomène de subduction est intervenu avec, comme contrecoup, l'ouverture d'un bassin arrière-arc. Ce domaine continental en distension a donné lieu à l'apparition d'un secteur océanique limité, qui fut le siège d'un épanchement magmatique localisé, ultrabasique.
- ce lambeau de croûte océanique, basaltique et gabbroïque, (associé à un morceau du manteau lithosphérique, péridotitique) a échappé à une subduction ultérieure. Il a pu être conservé grâce à un processus d'obduction. L'obduction a dû se faire sous la forme d'un grand pli couché. Ce qui est conservé aujourd'hui est uniquement le flanc inverse de ce pli couché.

Plus tard, l'ensemble a subi un métamorphisme prononcé vers 324 ± 12 Ma, ce dont attestent les datations potassium/argon. C'est l'âge du Viséen, dernier étage du Carbonifère inférieur Les ophiolites sont alors devenues ce que l'on peut appeler des métaophiolites, les roches actuelles.

En résumé, la trilogie ophiolitique de Chamrousse constitue le témoignage d'un événement magmatique intervenu sur un fond océanique qui a existé vers le début de l'ère primaire, il y a 500 millions d'années. L'inversion de la polarité que cette trilogie présente habituellement s'explique par la formation d'un pli déversé. La séquence pétrographique que l'on observe lors de la balade, lorsqu'on descend du col des Trois Fontaines vers le col de la Botte et celui des Lessines, en occupe le flanc inverse.